« Un pays qui se
veut ouvert aux investissements, et qui est sur le point d'avoir le retrait
d'une mission de maintien de la paix de l’ONU ne doit pas être l'objet d'une
supervision quasi permanente », selon un conseiller du président de la
République interrogé par Le Nouvelliste sur le renouvellement du mandat de
Gustavo Gallón, expert indépendant des
Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti. « Les problèmes
qui engendrent des violations des droits humains et ces violations elles-mêmes
ne sont pas dus à une politique gouvernementale », argue ce conseiller de
Jovenel Moïse sous le couvert de l’anonymat.
Les violations
des droits humains, a-t-il affirmé, sont dues à des défis structurels. « Par
conséquent, les violations couramment identifiées tendront à diminuer avec la
croissance économique anticipée. D'ailleurs, il n'existe pas de pays où des
violations de droits humains ne soient enregistrées », a soutenu le conseiller
du chef de l’État, une façon pour lui de dire que Jovenel Moïse n’entend pas renouveler
le mandat de Gustavo Gallón.
« La vitalité des
associations de la société civile témoigne aussi de la volonté du gouvernement
de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux des citoyens », a
avancé notre source proche du Palais national. « Etant donné la volonté manifeste des
autorités haïtiennes d'engendrer une meilleure gouvernance, de favoriser la
participation citoyenne, la supervision continue de la communauté
internationale, sous toutes ses formes, qui alimente la perception internationale
d'un pays instable, sous menace constante de troubles civils, n'a plus sa
raison d'être », a-t-elle avancé, ajoutant que une « telle supervision est
délétère à un climat propice aux investissements. »
Gustavo Gallón
souhaite avoir un autre mandat d’un an
Contacté par Le
Nouvelliste, l’expert indépendant des
Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti a fait savoir que
d’après les déclarations publiques que la représentation officielle d'Haïti a
donné au Conseil des droits de l'homme à Genève, « la décision du président de
la République de ne pas renouveler son mandat d'expert indépendant ne signifie
pas de contradiction ou désaccord avec l'activité qu'il a développée. »
« Au contraire,
selon Gustavo Gallón, elles ont apprécié les recommandations que j'ai faites,
et se sont engagées, devant la salle du Conseil, à les mettre en œuvre et ont
remercié vivement le travail de l'expert indépendant et, particulièrement, son
insistance à créer une Commission de Vérité, Justice et Réparation pour les
victimes du choléra. »
« J'ai
l'impression que le président n'a pas été suffisamment renseigné pour prendre
cette décision qui va priver la population
et les autorités haïtiennes du mécanisme le plus aimable de coopération
internationale avec Haïti puisque, comme l'indique son nom, c'est développé à
travers un expert indépendant, c'est à dire quelqu'un qui ne déploie pas de
pouvoir mais qui met au service du pays et du Conseil son expertise en matière
des droits de l'homme pour contribuer à améliorer la situation dans ce domaine
en Haïti », a expliqué Gustavo Gallón.
Il dit avoir
proposé aux autorités haïtiennes et au Conseil de renouveler son mandat pour un
an de « façon à accompagner la préparation d'un plan d’action en droits humains
et à faire une évaluation du déroulement de ce mandat pour faire le bilan des
meilleures leçons et les apprendre si bien qu'elles peuvent être utiles, aussi
bien à Haïti qu'au Conseil et à d'autres pays. »
« Je serais
toujours prêt à continuer, mais en même temps le Conseil est en liberté de
choisir un autre nom si cela aide à préserver le mandat, ce qui est le plus
important », a soutenu M. Gallón.
Des organisations
de la société civile plaident pour le renouvellement du mandat de Gustavo
Gallón
La semaine
dernière, plusieurs organisations de la société civile, dont le RNDDH, ont fait
toute une plaidoirie en faveur du renouvellement du mandat de Gustavo
Gallón. « Nous, organisations de
promotion et de défense des droits humains, avons appris avec stupéfaction que
l’actuel exécutif a décidé de ne pas soutenir le renouvellement du mandat de
l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme, motif pris de ce
que Haïti a besoin de reprendre son indépendance vis-à-vis des autres pays »,
ont-elles dénoncé dans une note conjointe.
Selon ces
organisations, le mécanisme selon lequel l’expert indépendant analyse la
situation générale des droits humains dans le pays avant de présenter
par-devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies un rapport
circonstancié assorti de recommandations ne constitue en rien une menace pour
l’indépendance du pays, largement ébranlée par les décisions prises par les
autorités étatiques de ne pas allouer un montant suffisant à la réalisation des
droits sociaux, économiques et culturels, de faire la sourde oreille à la
cherté de la vie et aux conditions générales de détention, de pratiquer la
politique de l’autruche vis-à-vis des femmes et des filles victimes de violences
sexospécifiques partout dans le pays.
« Nous estimons
que ce mécanisme, important pour le pays, est apte à forcer les autorités à
prendre des engagements formels pour l’amélioration de la qualité de la vie en
Haïti. C’est pourquoi nous entendons manifester notre inconditionnel appui au
renouvellement du mandat de l’actuel expert indépendant sur la situation des
droits de l’homme en Haïti pour l’année 2017, le sieur Gustavo Gallón qui a
joué un rôle important dans le plaidoyer ayant abouti à la reconnaissance par
l’Organisation des Nations unies (ONU) de l’implication des soldats onusiens
dans la propagation du choléra en Haïti », ont rappelé ces organisations de la
société civile.
La décision des
autorités haïtiennes ne plaît pas non plus à la Coordination Europe-Haïti
(CoEH), un regroupement de 12 organisations et plate-formes d’associations qui
travaillent avec des organisations en Haïti. « Les membres de la CoEH
considèrent que la situation des droits humains en Haïti reste suffisamment
préoccupante pour continuer à faire l’objet d’observations par les mécanismes
des Nations unies auxquels Haïti a adhéré », écrit le coordonnateur de la CoEH,
Ever-Jean Brouwer, dans une lettre de demande de support aux responsables
Caraïbes des représentants auprès de l’Union européenne.
La décision de
renouvellement du mandat de l’expert indépendant des droits de l’homme pour
Haïti doit prendre effet ce vendredi 24 mars 2017. C’est pourquoi M. Brouwer
invite les responsables Caraïbes des représentants auprès de l’Union européenne
à agir vite. On ignore si l’appel des organisations de la société civile
haïtienne, ajouté à celui de la CoEH, va porter le président Jovenel Moïse à
changer d’idée.