Nous mourrons tous …
et elle plongea sa main dans la poussière : la vielle Délira Délivrance
dit : nous mourrons tous : les bête, les plantes, les chrétiens
vivants, o Jésus-Maria la sainte vierge ; et la poussière coule entre ses
doigts. La même poussière que le vent rabat d’une halène sèche sur champ dévasté
de petit mil, sur la haute barrière de cactus rongé de vert-de-gris, sur les
arbres, ces baya ondes rouillés.
La poussière monte
de la grande route et la vielle Délira est accroupie devant sa case, elle ne lève
pas les yeux, elle remue la tête doucement, son madras a glissé de cote et on
voit une mèche grise saupoudrée, dirait-on, de cette même poussière qui coule
entre ces doigts comme un chapelet de misère : alors elle répète :
nous mourrons tous,- et elle appelle le bon Dieu. Mais c’est inutile parce qu’il
y a si tellement de pauvres créatures qui hèlent le bon Dieu de tout leur courage que ça fait un grand bruit
ennuyant que le bon Dieu l’entend et il crie : quel est foutre tout ce
bruit ? Et il se bouche les oreilles. C’est la vérité l’homme est
abandonné.
Bien Aime, son
marie, fume sa pipe, la chaise cale contre le tronc d’un calebassier. La fume ou
sa barbe cotonneuse s’envole au vent.
-
Oui, dit-il, en vérité le nègre
est une pauvre créature.
Délira semble ne
pas l’entendre.
Une bande de
corbeaux s’abat sur les chandeliers. Leur coassement enroué racle l’entendement,
puis ils se laissent tomber d’une volé, dans le champ calciné, comme des
morceaux de charbon dispersés …
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